• Erwin Schrödinger (1887-1961), physicien autrichien, professeur aux universités de Berlin, Oxford et à l'Institute of Advanced Studies de Dublin. Il pose les bases de la mécanique quantique en postulant l'équation qui porte son nom. Il est versé aussi dans la philosophie et la littérature. En 1944, il publie Qu'est-ce que la vie ?, où il tente d'expliquer l'hérédité biologique par les lois de la physique ; ce livre aura une grande influence dans la découverte du code génétique. Prix Nobel de physique en 1933.


  • Bernhard Bolzano, prêtre, logicien, philosophe et mathématicien tchèque d'origine italienne (1781-1848).

    Comme philosophe, il est innovateur dans les recherches de logique (Wissenschaftslehre 1837). Ce même courant de pensée va l'amener à faire porter ses travaux mathématiques sur les fondement de l'analyse.
    Il distingue clairement les concepts de continuité et de dérivabilité, et donne un exemple de fonction partout continue et dérivable en aucun point, ce qui est novateur pour l'époque si on pense que Cauchy n'imaginait de fonction continue que dérivable sauf peut-être en des points isolés.
    Ses travaux préfigurent la théorie des ensembles qui sera développée par Cantor et la construction des nombres réels par Dedekind et Weierstrass.
    On lui doit aussi les Paradoxes de l'infini (publiés en 1851) où il étudie, en particulier, le paradoxe de Galilée.
    Une partie des travaux de Bolzano ne fut connue que plusieurs dizaines d'années après sa mort. I


  • Leonard Susskind, Le paysage cosmique

    Le principe anthropique semble incontournable dans la physique actuelle, il a pourtant tout pour déplaire. N’est-ce pas une façon de renoncer à toute explication scientifique, une sorte de tautologie qui se contente de dire que les choses sont telles qu’elles sont ? On peut même tomber avec le "principe anthropique fort" dans l’illusion religieuse et téléologique qui va prétendre que les choses sont telles qu’elles devaient être, guidées par une volonté supérieure, un "dessein intelligent" !

    Dans sa version faible, l’affirmation que notre monde doit réunir toutes les conditions de notre existence est pourtant incontestable : le caractère relativement exceptionnel de notre planète en témoigne réunissant non seulement les conditions de l’apparition de la vie (ce qui doit être assez courant) mais aussi un temps d’évolution assez long pour mener jusqu’aux organismes pluricellulaires et finalement jusqu’à l’humanité avec la science qui essaie de comprendre le monde. C’est une situation si rare qu’il ne serait pas impossible qu’on soit les seuls, sur cette Terre malgré la myriade d’étoiles et de galaxies qui nous entourent ! Au moins sur ce point, le principe anthropique ne saurait être mis en doute : inutile de vouloir expliquer les caractéristiques de notre planète purement aléatoires sinon par le fait que nous en sommes le produit.

    C’est à un tout autre niveau pourtant que le principe anthropique s’impose aujourd’hui aux cosmologistes puisque ce sont les caractéristiques de notre univers qui ne pourraient s’expliquer autrement que par notre présence pour le penser. En effet, toute autre valeur de la "constante cosmologique" en particulier aurait pour résultat de rendre notre existence impossible !

    L’argument devient imparable dès lors que la "théorie des cordes" semble ouvrir la possibilité d’une quasi infinité d’univers différents, incapable de justifier nos caractéristiques propres, et ce, d’autant plus que la "théorie de l’inflation" suppose une multitude d’univers-bulles tous différents. Dès lors on se situe dans une situation proche du darwinisme et de la sélection naturelle : c’est le hasard de la loi des grands nombres qui peut seul expliquer l’émergence d’une complexité si improbable. C’est tout de même assez différent du darwinisme, basé sur la reproduction et l’amplification, tout comme des conditions de notre planète dont l’atmosphère a été en partie façonnées par la vie elle-même. Au niveau cosmologique, rien de tout cela. On explique seulement qu’on ne pouvait apparaître dans un autre univers. Ce qui semble un peu court même si cela reste irréfutable !

    En fait, ce n’est guère plus que l’aveu des limites de notre savoir scientifique et de la part d’inexplicable qui reste dans les constantes de la physique. Le principe anthropique n’est d’une certaine façon que le prix à payer pour une théorie de plus en plus éloignée de nous ! Il m’a semblé intéressant de témoigner de cette part d’ignorance au coeur de notre savoir, d’un univers qui semble fait à notre mesure alors même qu’il apparaît de plus en plus impensable.

    Leonard Susskind est un physicien de Stanford très proche du prix Nobel 1999, le hollandais ’t Hooft. L’intérêt de son livre ne se limite pas à fonder la nécessité de l’argument anthropique sur la conjonction de la théorie de l’inflation et des univers-bulles avec la découverte du fait que la constante cosmologique n’est pas nulle et que la théorie des cordes semble rende possible 10 puissance 500 types d’univers ( !). Non seulement il fait le point sur la théorie des cordes, ce qui n’est pas superflu, mais il revient aussi sur quelques autres idées extraordinaires :

    1.     l’univers ne se ramènerait pas à une équation simple mais à un assemblage hétéroclite et contingent, ce n’est pas un univers lisse mais rugueux.

    2.     les bulles d’univers passeraient d’une énergie du vide colossale à l’état supersymétrique correspondant au point zéro dont nous serions proches mais pas tout-à-fait, condition nécessaire à la vie.

    3.     le point de vue sur un trou noir (ou sur l’univers) serait complètement différent selon qu’on se trouve à l’extérieur ou à l’intérieur.

    4.     tout se passe comme si l’univers se réduisait à sa surface interne, selon la théorie holographique défendue par Susskind et ’t Hooft depuis 1994.

     Le caractère très hypothétique de tout cela ne doit échapper à personne et n’incite guère à y apporter beaucoup de crédit mais ce sont des idées qui semblent gagner malgré tout des partisans chez les physiciens et dont il faut bien faire état. Il n’est bien sûr pas question pour moi de prendre position dans ce débat qui dépasse mes compétences, encore moins de prétendre que la "théorie des cordes" ou la "théorie de l’inflation" seraient des théories vérifiées alors qu’elles sont très spéculatives et remises en causes, en partie au moins, par des théoriciens comme Lee Smolin ou Carlo Rovelli. Je ne fais que rendre compte du livre de Leonard Susskind qui pose le problème avec une grande acuité.

    Les limites de la théorie

    « Rien de plus passionnant, ces 40 dernières années, que d’avoir vu évoluer la cosmologie d’un stade rudimentaire d’art qualitatif à l’extrême précision d’une science quantitative. Mais ce n’est que tout récemment que les fondements de la théorie du big-bang de George Gamow ont cédé la place à une idée de plus grande envergure (...). L’étroit paradigme du 20ème siècle d’un seul univers vieux de quelque 10 milliards d’années et dun diamètre de 10 milliards d’années-lumière, obéissant à un unique corpus de lois physiques, est en train de passer le relais à une représentation conceptuelle d’une toute autre portée, grosse de nouvelles possibilités. Progressivement des cosmologistes et des physiciens comme moi-même en viennent à considérer notre monde de 10 milliards d’années-lumière comme l’une des bulles infinitésimales d’un prodigieux mégavers. Dans le même temps, les physiciens théoriciens présentent des théories qui relèguent nos lois actuelles de la nature dans un coin minuscule du gigantesque paysage des possibilités mathématiques (...). Chaque environnement possible a ses propres lois physiques, ses propres particules élémentaires et ses propres constantes de la nature. Certains environnements ressemblent au nôtre, tout en étant légèrement différents. Ils peuvent par exemple avoir (...) toutes les particules habituelles, mais soumis à une force gravitationnelle un milliard de fois supérieure à la nôtre (...). D’autres encore peuvent ressembler au nôtre, à l’exception d’une violente force répulsive (ladite constante cosmologique) qui met en pièce galaxies, molécules et atomes (...). Des régions du paysage présentent des mondes de 4, 5, 6 dimensions et même plus (...). Certains univers-bulles sont microscopiques et ne grandissent jamais. D’autres sont aussi grandes que la nôtre, mais totalement vides ».

    L’une des conséquences les plus troublantes de cette ouverture sur l’espace des possibles, au-delà de ce que nous connaissons, c’est qu’il faudrait abandonner l’espoir de la simplicité, d’un fondement universel, ce que Hawking appelait la "pensée de Dieu" ! En effet, loin d’être simple et lisse, notre univers ne serait qu’un bricolage improbable plein de rugosités et sans autre justification que le hasard des combinaisons. Rien ne pourrait l’expliquer sinon que nous ne pouvions apparaître ailleurs que dans ce monde ajusté à notre existence. C’est là que nous sommes nés, voilà la seule explication de ses caractéristiques particulières, en particulier la constante cosmologique (ou énergie du vide correspondant à un excès de bosons par rapport aux fermions) qui est l’équivalent d’une pression interne qui ne doit être ni trop forte (elle nous disloquerait), ni trop faible (nous serions écrasés par la gravitation). La théorie des cordes qui est surtout une généralisation mathématique unifiant les différentes forces, multiplie les possibilités à l’infini au lieu de nous conduire à une équation ultime : la "Théorie du Tout" à laquelle les physiciens avaient pu rêver jusqu’ici.

    « Je m’amuse souvent à dire que si les meilleurs théories sont celles qui présentent le minimum d’équations et de principes fondamentaux, la théorie des cordes est de loin celle qui remporte la palme - personne ne lui a jamais trouvé une seule équation fondamentale, ni un seul principe déterminant ! La théorie des cordes présente tous les signes d’une structure mathématique très élégante dont la logique interne dépasse de loin celle de toutes autre théorie physique. Mais personne n’en connaît les règles fondamentales, ni les "briques" élémentaires » !

    Multivers et supersymétrie

    J’étais assez sceptique sur la théorie de l’inflation qui semblait une théorie "ad hoc" sans véritable nécessité mais ici elle est reliée à l’énergie du vide et à la supersymétrie de façon assez convaincante. La supersymétrie est une curieuse théorie puisqu’elle suppose qu’à chaque fermion serait associé un boson (à l’électron on associé un "selectron") et à chaque boson un fermion (au photon on associe un "photino"). Cela parait d’autant plus extravagant qu’on a aucune trace de ces nouvelles particules. On comprend mieux l’intérêt de ces élucubrations quand on sait que cette supersymétrie correspond à une version simplifiée de la théorie des cordes, pratiquement la seule où les calculs ne sont pas trop compliqués, et surtout qu’un univers supersymétrique serait un univers où l’énergie du vide (et la constante cosmologique) serait nulle (égalité entre bosons et fermions).

    Du coup on peut imaginer un processus conduisant de bulles d’univers de "haute altitude", c’est-à-dire à très grande énergie du vide (se disloquant très rapidement), dans lesquels pourraient naître des univers un peu plus symétriques jusqu’à aboutir au point zéro où aucun autre univers ne pourrait naître. Notre univers se situerait sur ce chemin vers la supersymétrie, assez proche (seulement le 120ème chiffre après la virgule différent de zéro !) ce qui lui donne les caractéristiques, entre autres, de durabilité où la vie a le temps de se développer, mais un univers un peu plus symétrique pourrait y surgir. Leonard Susskind compare l’état non supersymétrique à la "surfusion" qui se produit par exemple lorsqu’une eau ne gèle pas encore bien qu’étant en-dessous de 0°, jusqu’à ce qu’une impureté provoque la cristallisation (ce qu’illustre le lac de Ladoga, en 1942, qui se met à geler au moment où les chevaux se jettent à l’eau). Drôle d’histoire quand même !

    « Le mieux serait de partir d’une parcelle d’univers piégée dans une vallée de haute altitude. La violence des force répulsives induites par l’énorme énergie du vide désintègre tout instantanément, y compris des particules comme les protons. Ce monde primordial est extrêmement inhospitalier. Il est également très petit : l’horizon se trouve à une distance infime - inférieure au rayon du proton - et la région accessible à l’observateur est microscopique, ne dépassant peut-être pas la longueur de Planck. Manifestement, aucun observateur réel ne peut survivre dans un tel environnement, mais négligeons cet aspect des choses.

    Au bout d’un certain temps, une bulle se forme, grandit et investit l’ensemble de la région accessible à l’observateur. Celui-ci se trouve lui-même entouré par un environnement à peine plus accueillant : la constante cosmologique est plus petite et l’horizon a grandi en ménageant un peu plus d’espace pour se dégourdir. Cela dit, la constante cosmologique de la nouvelle vallée est encore bien trop grande pour assurer un minimum de confort. Mais voilà qu’une nouvelle bulle grandit à son tour, en donnant cette fois un environnement doté d’une constante cosmologique un peu plus petite. De tels événements peuvent survenir plusieurs fois. L’observateur voit une série d’environnements dont aucun ne convient à la vie. Finalement, une bulle d’énergie du vide de valeur nulle se forme une bulle à vide supersymétrique. La bulle se transforme en un univers ouvert à courbure négative et cesse d’évoluer ».

    « Qu’en est-il de notre univers aujourd’hui ? des bulles appartenant à un autre environnement pourraient-elles se former, grandir et prendre possession de notre univers ? Que nous arriverait-il si nous nous faisions avaler par une bulle de ce genre ? La réponse de la théorie des cordes suggère que nous serons un jour engloutis dans un environnement dévastateur, fatal à toute forme de vie (...) Il n’y a pas de raison pour que notre bulle d’univers ne puisse produire une bulle d’énergie plus faible. Et nous savons qu’il existe des endroits de ce genre dans le paysage : le cimetière des univers - celui des régions supersymétriques où la constante cosmologique est égale à zéro. Patientez suffisamment longtemps, et nous finirons bien par nous retrouver dans ce type de vide (...) Pour être une merveille d’élégance, l’univers supersymétrique aurait des ois physiques rétives à toute forme de chimie, donc de vie.

    Si nous sommes effectivement condamnés à être engloutis dans un environnement hostile supersymétrique, combien de temps nous reste-t-il ? Cela peut arriver demain, l’année prochaine, dans un milliard d’années ? Comme pour toute fluctuation quantique, cela peut arriver n’importe quand. La mécanique quantique se contente d’énoncer la probabilité de l’événement à n’importe quel moment. Et la réponse est qu’il est extraordinairement improbable que cela arrive bientôt. En fait, il y a peu de chances pour que cela arrive dans un milliard, mille milliards ou mille milliards de milliards d’années. Les meilleures estimations suggèrent que notre monde puisse durer au moins 10 puissance 100 années, et sans doute bien plus longtemps ! »

    Trou noir

    C’est sans doute le plus étonnant. Il y aurait 2 réalités différentes selon qu’on se situe à l’extérieur ou à l’intérieur d’un trou noir ! Ce serait un peu la même chose que la "complémentarité" quantique interdisant de connaître à la fois la position et la vitesse d’une particule ou bien ce qui fait apparaître la lumière soit comme onde, soit comme particule selon le dispositif de l’expérience. Ici, c’est ce qui se passe dans un trou noir qui relèverait de 2 descriptions incompatibles (mais qui trouveraient une équivalence dans la théorie holographique) selon la position de l’observateur. Il s’agit de rendre compte de l’expérience hypothétique d’une observatrice pénétrant dans un trou noir (qui passe son rayon de Schwarzschild matérialisant la limite au-delà de laquelle la déformation de l’espace-temps par la gravitation empêche la lumière de s’échapper) et de ce qu’un observateur extérieur pourrait voir :

    « Les descriptions complémentaires des deux expériences sont si radicalement différentes qu’il semble à peine crédible que les deux puissent être justes. L’observateur externe voit la matière plonger vers l’horizon, ralentir puis planer juste au-dessus. La température juste au-dessus de l’horizon est si intense qu’elle réduit toute la matière à des particules qui finalement vont rayonner vers l’extérieur. En fait, l’observateur externe la voit se vaporiser et se manifester à nouveau sous forme de rayonnement de Hawking ».

    « Mais cela ne ressemble pas du tout à ce que vit l’observatrice qui tombe librement dans le trou noir. Elle traverse l’horizon sans encombre et sans même le remarquer. Pas de choc ni de secousse, pas de température démente, ni le moindre signal indiquant qu’elle a dépassé le point de non-retour. Si le trou noir est suffisamment grand, disons d’un rayon de quelques millions d’années-lumière, elle poursuivra son voyage pendant un autre million d’années sans inconfort. Sans inconfort... du moins jusqu’à ce qu’elle atteigne le coeur du trou noir où des forces de marée - les forces déformantes de la gravitation - finissent pas être si importantes que... » cela m’étonne, à la fois que la gravitation ne soit pas plus forte dès qu’on tombe à l’intérieur du trou noir, et encore plus qu’on ne puisse s’apercevoir qu’on a passé le rayon de Schwarzschild (ne devrait-il pas faire office de miroir en reflétant la lumière qui ne peut s’échapper ?). De même peut-on dire comme l’auteur que l’observatrice perd tout contact avec l’extérieur alors qu’elle peut en recevoir un signal, semble-t-il ? C’est elle qui ne peut en renvoyer un vers l’observateur extérieur. Ce n’est quand même pas tout-à-fait comparable à la relativité car, dans cette expérience de pensée, il y aurait d’un côté conservation d’un corps et de l’autre sa destruction et sa transformation en rayonnement ! Mais ce ne serait peut-être qu’une illusion, simple question de point de vue...

    Notons que, dans sa controverse avec Hawking ("la guerre du trou noir" qu’il semble avoir remporté) la discussion porte sur la question de savoir si "l’information" est détruite dans les trous noirs (ce qu’il conteste au nom des principes de la physique quantique) ou si elle ressort par le rayonnement, l’évaporation du trou noir (même très très lentement). Il peut y avoir d’autant plus confusion qu’il utilise le mot de "bit" d’information pour désigner la conservation des caractéristiques de la matière (comme la rotation, l’énergie, la charge, etc.), ce qui n’est une information que pour le physicien et ne désigne réellement que la conservation de l’énergie. Il est évident qu’il y a beaucoup d’informations perdues : la configuration moléculaire, l’ADN, le squelette, le cerveau...

    La théorie holographique

    « Le principe de complémentarité du trou noir dit que la position de l’information n’est pas définie. L’un des observateurs (en l’occurrence notre observatrice) constate que les bits dont sont corps est constitué se trouvent quelque part très loin derrière l’horizon. l’autre voit les mêmes bits revenir sous forme de rayonnement émis dans une région qui se trouve juste au voisinage de l’horizon. Il semble donc que l’idée que l’information ait une position définie dans l’espace soit fausse ».

    « L’une des découvertes les plus étranges de la physique moderne est que l’univers est une sorte d’image holographique. Encore plus étonnant, le nombre de pixels que comprend un hologramme n’est proportionnel qu’à la surface de la région décrite, pas à son volume. Tout se passe comme si tout le contenu à 3 dimensions d’une région donnée, d’un volume d’un milliard de "voxels" (point à 3 dimensions), pouvait être représentée sur un écran d’ordinateur d’1 million de pixels seulement ! Imaginez que vous vous trouviez dans une immense pièce délimitée par des murs, un plafond et un plancher. Mieux encore, imaginez que vous vous trouviez dans un grand espace sphérique (...) En fait, vous-même et tout ce qui se trouve dans la pièce êtes des images de données stockées dans un hologramme quantique situé à la frontière. L’hologramme est un ensemble bidimensionnel de minuscules pixels dont chacun a la dimension de la longueur de Planck ! Bien entendu, la nature de cet hologramme quantique et la façon dont il code les données tridimensionnelles diffèrent beaucoup du mode de fonctionnement des hologrammes ordinaires ».

    « Quel rapport avec les trous noirs ? (...) Les 2 images différentes que la complémentarité du trou noir tente de réconcilier ne sont que 2 reconstitutions du même hologramme selon 2 algorithmes différents ! (...) On peut décrire la scène entière par un hologramme quantique situé très loin sur une frontière de l’espace. Mais il y a désormais 2 façons - 2 algorithmes - permettant de décoder l’hologramme. La première reconstitue la scène telle qu’on la voit de l’extérieur du trou noir, avec le rayonnement de Hawking qui restitue tous les bits qui y étaient tombés. Mais la seconde reconstitution montre la scène vue par quelqu’un qui tomberait dans le trou noir ». 

     « Or l’horizon cosmique des événements d’un univers en expansion éternelle est mathématiquement très semblable à l’horizon d’un trou noir (...) La seule différence entre l’horizon d’un trou noir et l’horizon cosmique de l’espace en éternelle expansion est que dans un cas on le regarde de l’extérieur, et dans l’autre on se trouve dedans et l’on regarde vers l’extérieur. Mais à tous autres égards, le trou noir et l’horizon cosmique sont identiques ».

    « Existe-t-il également des "cartes" en provenance de derrière l’horizon cosmique, porteuses des messages de milliards d’univers-bulles ? (...) Au point où nous en sommes, vous avez peut-être deviné qu’il s’agit des photons du rayonnement du fond diffus cosmologique micro-onde qui nous entoure de toutes parts ».

    Inutile de dire que tout cela est difficile à croire (tout comme le fait que ce n’est pas le soleil qui tourne autour de nous !) mais ce n’est pas une fantaisie de l’imagination, c’est une réalité mathématique : les calculs sont plus simples dans la théorie holographique comme les calculs sont plus simples à considérer qu’on tourne autour du soleil plutôt qu’à être le centre du monde, ce qui ne peut être un hasard ! L’interprétation du fond cosmique n’est pas celle admise couramment, et que l’auteur ne semble pas rejeter pourtant, comme image de notre univers en formation ! Il y a bien d’autres théories en gestation actuellement, témoignant d’une désorientation plus que d’un bouillonnement semble-t-il ! Certaines pourraient se révéler compatibles (celle de Thibault Damour et Sergey Solodukhin pour qui les trous noirs seraient indiscernables des trous de ver). D’autres explorent des pistes alternatives comme la gravitation en boucles (Lee Smolin proposant un mécanisme d’univers auto-réplicatifs pouvant sélectionner les univers durables sans faire intervenir le principe anthropique). Plus exotique encore, bien que dans le cadre de la théorie des cordes, on a fait l’hypothèse récemment d’une deuxième dimension temporelle dont on a bien du mal à comprendre ce qu’elle pourrait signifier (sinon qu’on pourrait intervertir position et vitesse !). Pour Robert B. Laughlin, les lois de la nature pourraient être simplement des lois émergentes qui ne sont pas liées aux supposés constituants ultimes mais il échouerait à rendre compte ainsi des trous noirs justement. Sans parler de la théorie d’un espace fractal qui est l’inverse des lois émergentes mais ne semble pas être très sérieuse. Il y a même eu très récemment une remise en cause, très controversée, de l’existence même des trous noirs...

    Ce qui manque à cette physique spéculative, ce sont des expériences qui permettent de trancher. Le LHC qui ne sera opérationnel qu’en 2008 devrait apporter du nouveau, on peut l’espérer car il sera très difficile ensuite de franchir une étape supplémentaire dans les hautes énergies avant longtemps ! Les années prochaines devraient être des années décisives pour la physique (boson de Higgs, trous noirs, etc.).

     

     

     


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  • ETHNO-MATHEMATIQUES
    HASARD, COMPLEXITE ET TEMPS
    par Gérard-Louis THIAULT
    "La question n'est pas tant : Dieu joue-t-il aux dés ? Mais : Comment joue-t-il aux dés ?" (STEWART, 1998, p. 37).
     
    Le Petit Larousse définit le hasard ainsi : "Hasard (de l'arabe al-zahr, jeu de dés) : Cause imprévisible et souvent personnifiée attribuée à des événements fortuits ou inexplicables. Événement imprévu, heureux ou malheureux. Jeu de hasard : jeu où n'intervient ni le calcul, ni l'habileté du joueur". Cette définition renvoie le hasard à l'imprévisible et son "jeu" à l'absence d'intentionnalité puisqu'il n'y a pas de "calcul".
    Première conséquence : le futur est terrifiant et/ou inexistant, le temps est "traditionnel" : "Dans certaines tribus primitives africaines ou océaniennes la perception même de l'écoulement du temps s'y résume à deux grandes catégories : le présent et le passé. Le futur y est beaucoup moins important. L'image traditionnelle de la chaîne des générations à Tahiti, par exemple, est celle d'un cercle d'hommes avançant à reculons, le visage tourné vers le passé et vers leurs ancêtres. Si la tribune s'écarte des coutumes fixées par les âges, elle court alors le risque de rompre l'équilibre ancestral entre la nature et les hommes, et de provoquer la fin du monde" (MATRICON, ROUMETTE, 1991, p. 17).
    Seconde conséquence : en niant l'intentionnalité, le hasard est "antireligieux". Il boute hors de l'Univers le destin, la destinée, Dieu, les dieux, le(s) "Grand(s) Architecte(s)" : "Ce qu'un grand nombre de gens ont du mal à accepter, c'est que le hasard plus la pression de sélection puissent conduire d'une condition initiale simple à des formes d'une haute complexité. (...) Ils ne peuvent se faire à l'idée d'une évolution en l'absence de quelque main pour la guider, en l'absence d'un projet" (GELL-MANN, 1997, p 351).
    Troisième conséquence : en niant la prévisibilité (ou la prédictibilité), le hasard est "antiscientifique" (au sens déterministe car il rend impossible la prévision, l'exactitude et la certitude.) : "L'essence des explications mécaniques est en effet de considérer l'avenir et le passé comme calculables en fonction du présent, et de prétendre ainsi que tout est donné" (BERGSON, 1996, p. 38).
    Avec les "Lumières", le hasard devient à la fois "antireligieux" et "antiscientifique" : "De nombreux historiens soulignent le rôle essentiel joué par la figure du Dieu Chrétien au 17ème siècle comme législateur tout puissant, dans cette formulation des lois de la Nature. La théologie et la Science convergeaient alors. Leibniz a écrit : "Dans la moindre des substances, des yeux aussi perçants que ceux de Dieu pourraient lire toute la suite des choses de l'Univers"." (PRIGOGINE, 1996-1998, p. 20) Le hasard n'est donc (et n'engendre) que désordre, entropie ou chaos. Il n'a aucune place dans un univers créé, ordonné, intelligible et sensé. Il faut obligatoirement qu'il s'y trouve un esprit suffisamment puissant, intelligent et habile pour le remplacer par une destinée, une main, un programme ou une équation. Au XXème siècle, le statut du hasard est revu(1). De nouvelles représentations de la nature et de nouveaux paradigmes apparaissent. La physique quantique réhabilite le hasard au niveau microscopique et fondamental de l'univers et jusque dans l'interaction observé / observateur(2). Les théories du chaos, de la complexité, les fractales permettent l'exploration scientifique (ou la ré-exploration) d'objets et de champs dans lesquels règnent l'incertitude, l'imprévisibilité, le désordre, les "anomalies".
     
    OÙ EST LE PROGRAMME ?
     
    "Phénomène troublant et magnifique, le pur hasard sauvage peut avoir un aspect qu'on ne peut s'empêcher de qualifier de "créatif"." (MANDELBRÖT, 1997, p. 73).
    Alors que je l'interviewais(3) en 1993 et que je lui demandais son opinion sur le rôle du hasard dans l'évolution des espèces, le paléontologue Yves COPPENS me confia que lorsque l'on se trouvait sur le terrain et que l'on observait dans des strates fossilifères, la mutation simultanée de centaines d'espèces qui semblaient répondre avec presque trop de pertinence à la contingence d'un accident géologique(4), on ne pouvait s'empêcher (bien que darwinien convaincu) de se dire : "C'est trop fort pour le hasard !". Cette prise de position est un refus opposé à l'hypothèse que la nature puisse être sans intentionnalité (sans programme, projet, dessein) et/ou inféodée au hasard. La non-intentionnalité prive le monde d'un créateur mais elle rend surtout inconcevables et impossibles l'émergence et la simple présence de l'ordonné et du complexe dans l'Univers. Dans des travaux récents(5), j'ai présenté quelques exemples (la nature en est emplie) qui valident l'hypothèse de la non-intentionnalité. Les îlots d'ordre baignant dans l'océan du désordre(6) que sont les galaxies, la grande tache rouge de Jupiter, les systèmes adaptatifs complexes(7) se sont ordonnés et ont émergé du désordre, du chaos du fait de l'auto-organisation, de l'organisation par le bruit ou de principes dans lesquels le hasard tient le rôle créatif d'une matrice, d'un océan nourricier. Cette représentation en bouillon de culture du hasard s'étend jusqu'à la théorie des nombres qui paraissent comme immergés dans l'aléatoire selon Grégory CHAITIN : "(il) a montré que l'indécidabilité et l'imprévisibilité apparaissent également à un niveau plus fondamental en mathématiques : celui de la théorie des nombres" (HEUDIN, 1998, p. 113).
     
    HASARD ET CHAOS
     
    "La théorie du chaos n'est pas une théorie du bordel" (SPIRE, 1999, p. 161).
    Avant d'examiner quelques-uns des caractères des dialogues hasard versus complexité(s) et hasard versus temps, il est indispensable de distinguer le hasard (ou l'aléatoire ou le chaos au sens littéral) du chaos des scientifiques (Théorie du Chaos). Ce dernier est un "comportement stochastique (aléatoire) se produisant dans un système déterministe" (STEWART, 1998, p. 35). Le chaos est ici déterministe mais d'un déterminisme que je qualifierai de "déterminisme complexe" avec des "marges de manœuvre", un horizon de prévisibilité, de l'émergence "raisonnable" et une "causalité complexe"(8). Ce chaos est celui que figurent certaines courbes fractales utilisées pour construire mes "modèles récits fractals" (MRF). Il s'agit des fractales à auto-similarité "ouverte" qui ont de l'"imagination"(9) tels les attracteurs étranges pour ne citer qu'eux.
    Le chaos n'est donc pas le hasard. Le chaos est du hasard "quasi apprivoisé" et scientifiquement utilisable. Dans la suite de cet article, j'emploierai néanmoins indifféremment les termes "chaos" et "hasard" (ou "aléatoire") étant entendu que je n'étendrai pas mon propos jusqu'au "pur" hasard qui interpelle (peut-être ?) plus le philosophe que le scientifique et interroge (peut-être ?) plus sur le "pourquoi" que sur le "comment" de la partie de dés qui nous préoccupe.
     
    HASARD ET COMPLEXITÉ(S)
     
    "Entre le domaine du désordre incontrôlé et l'ordre excessif d'Euclide, il y a désormais une nouvelle zone d'ordre fractal" (MANDELBRÖT, 1995, p. 10).
    Le dialogue du hasard et de la complexité commence aussitôt que l'on cherche à définir, à qualifier ou à mesurer tant l'aléatoire que le complexe. Ce dialogue rappelle grandement la "connivence" entre le temps et la complexité qui œuvre dans la dynamique de mon concept de "Complexité-Temps" (CT). J'ai exprimé par le passé cette "connivence" en posant que "le temps fabrique de la complexité qui fabrique du temps qui fabrique de la complexité qui..." Aujourd'hui, je modifie cette boucle, elle devient : "le hasard fabrique de la complexité qui fabrique du hasard qui fabrique de la complexité qui..." et ce faisant je suis ramené une fois de plus au temps et à la complexité mais réunis dans un trialogue avec le hasard, la contingence, les incertitudes...
    Premier exemple de répartie du dialogue complexité / hasard : selon les mathématiques, "une suite aléatoire se caractérise par le fait qu'il n'existe pas de formule plus courte qui la définisse. (...) La longueur en termes de "bits" s'appelle la complexité de la suite. (...) Une suite est dite aléatoire si la complexité est égale à la longueur de la suite elle-même" (BARROW, 1996, p. 93-94). Cela suggère qu'une suite purement ou totalement aléatoire (extremum) a une longueur infinie et une complexité inépuisable ce qui renvoie au chapitre précédent quant au "pur" hasard et quant au "hasard lent" (MANDELBRÖT, 1997) comme nous le verrons plus loin.
    Autre exemple : si l'on remplace l'expression "formule" spécifique au langage mathématique par "message" et/ou "programme" qui appartiennent respectivement aux vocabulaires de la communication et de l'informatique, on obtient d'autres réparties fondamentales du dialogue hasard / complexité(s). Ainsi, selon Murray GELL-MANN, il convient de distinguer la "complexité brute"(10) de la "vraie" complexité qui est la "complexité effective"(11) qui n'émerge, ne se développe, n'est importante que si le système est "ni trop ordonné, ni trop désordonné" (GELL-MANN, 1997, p. 77) juste à la frontière de l'ordre et du désordre. A ce sujet, on pourra se reporter à la thèse développée dans L'Évolution au bord du Chaos (HEUDIN, 1998). J'ajoute que la posture ethnographique invite à identifier cette frontière ordre / désordre à la frontière norme / déviance(12), là où justement se construit et évolue le monde, là où justement j'écoute les suggestions que font les modèles-récits fractals (MRF) lorsqu'ils dialoguent avec les observations.
     
    HASARD(S) ET TEMPS
     
    "(...) on semble avoir l'habitude de sous-estimer la puissance du hasard à engendrer des monstres. La faute en est due, semble-t-il, au fait que le concept de hasard du physicien a été modelé par la Mécanique Quantique et la Thermodynamique (...) au niveau microscopique (...) tandis qu'au niveau macroscopique il est "bénin"." (MANDELBRÖT, 1995, p. 44).
    Le dialogue du hasard et du temps conduit à distinguer 3 hasards (MANDELBRÖT, 1997) : le "hasard bénin", le "hasard sauvage" et le "hasard lent".
    Le "hasard bénin" a été dompté par les sciences exactes. C'est le hasard des tendances et des fluctuations "normales", "gaussiennes" et "raisonnables". Le "hasard bénin" atteint une limite de régularité non aléatoire rapidement. La théorie des probabilités repose sur ce hasard du "pile ou face".
    Le "hasard sauvage" est indompté. Il est peut-être indomptable. C'est le hasard des "crises" (sismiques ou boursières, par exemple.), des bifurcations, des tsunamis, des grosses anomalies, des infidélités à la "norme". Ce hasard est particulièrement "créatif" (MANDELBRÖT, 1995) et très présent dans la nature : découpage des côtes maritimes ou crues du Nil. C'est le hasard de l'effet "Noé" (déluge) : "Lorsqu'un hasard n'est pas bénin et que le défaut de convergence est dû à la taille exceptionnelle de quelques valeurs (...) nous dirons qu'il manifeste un effet "Noé"." (MANDELBRÖT, 1997, p. 113). La "moyenne" ne peut se faire que très lentement ou pas du tout.
    Le "hasard lent" est intermédiaire entre les deux autres hasards. Il peut atteindre une limite non aléatoire mais tellement lentement que cela n'est pas utilisable scientifiquement. C'est le hasard de l'effet "Joseph" ("7 ans de sécheresse, 7 ans de fertilité"): "Si le défaut de convergence est dû à l'interdépendance statistique (caractère pseudo-périodique) nous dirons qu'il manifeste un effet "Joseph"." (MANDELBRÖT, 1997, p. 113). La réalité même des cycles (pseudo-périodes) que semble contenir le "hasard lent" reste très controversée(13).
    "L'indéterminisme défendu par WHITEHEAD, BERGSON ou POPPER s'impose désormais en physique. Mais il ne doit pas être confondu avec l'absence de prévisibilité qui rendrait illusoire toute action humaine. C'est de limite à la prévisibilité qu'il s'agit" (PRIGOGINE, 1996-1998, p. 131).
    Un autre concept très important lie le hasard au temps, il s'agit de l'horizon de prévisibilité. Au début des années 1960, le météorologiste Edward LORENZ s'aperçoit qu'un modèle pourtant très simple de l'atmosphère terrestre prend un comportement chaotique et imprévisible après quelques temps de calcul. Cette découverte renvoie aux attracteurs étranges qui sont fractals et caractéristiques du comportement dynamique des systèmes non-linéaires. Les travaux de LORENZ mettent fin à l'espoir de pouvoir effectuer des prévisions météorologiques fiables à long terme(14) et cela quelle que soit la puissance de calcul mise en jeu et quelle que soit la précision des mesures limitée au mieux par l'incertitude quantique(15). A l'horizon de prévisibilité, le temps retrouve le hasard et le futur perd sa consistance. Il "n'est écrit nulle part" non seulement parce qu'il n'y a personne pour l'écrire mais parce que cela n'est plus possible. Exit le programme, exit les équations linéaires réductrices, exit les probables bénins, c'est le retour des possibles sauvages. Le temps paraît plonger dans l'océan du désordre comme s'il cherchait à s'y nourrir pour retrouver de la force, de l'inspiration et de l'imagination pour écrire de nouveaux chapitres du futur.
     
    HASARD(S) ET COMPLEXITÉ-TEMPS (CT OU CTÉ)
     
    La "Complexité-Temps" (étendue ou non) est un concept qui s'appuie sur l'hypothèse qu'il existe une "connivence" entre le temps et la complexité. C'est cette même "connivence" qui est évoquée plus haut. Je ne développerai pas ici de manière exhaustive les caractères de CT. Je n'en citerai que deux que je considère comme essentiels :
    Le temps crée de la complexité. La complexité n'est pas incréée et n'est pas pour autant le produit de "plans". La complexité est la fille d'une dynamique particulièrement féconde lors des bifurcations.
    La complexité crée du temps. Le temps possède de multiples dimensions. Il est "épais" et complexe. Ce sont les "événements" (bifurcations, transitions de phase...) s'ils sont porteurs de sens qui créent le temps parce qu'ils le ponctuent, l'extirpent de la virtualité, des fluctuations, de la réversibilité et de la linéarité newtonienne : "(...) toute histoire, toute narration impliquent des événements, implique que ce soit produit qui aurait pu ne pas arriver mais elle n'a d'intérêt que si ces événements sont porteurs de sens" (PRIGOGINE, STENGERS, 1992, p. 47).
    Ces deux caractères renvoient aux bifurcations et au hasard. Les bifurcations sont au centre du dialogue de la complexité et du temps (CT) mais elles sont aussi des fruits et des génératrices d'aléatoire : "La branche de la bifurcation choisie par le système est imprévisible. Le phénomène est aléatoire et semble le fruit du hasard. (...) Plus un système s'éloigne de l'équilibre, plus les causes des phénomènes qui s'y déroulent ont tendance à engendrer des effets inédits et, par conséquent, imprévisibles" (SPIRE, 1999, p. 20-21). En passant par les bifurcations, le hasard prend toute sa place dans le monde. Les dialogues complexité / temps, complexité / hasard et temps / hasard sont remplacés par un trialogue complexité / temps / hasard et c'est ce trialogue cristallisé par (et dans) les bifurcations qui est la réponse au "comment" de la partie de dés.
     
    L'ŒIL ETHNOGRAPHIQUE "FRACTALIQUE" ET LA PARTIE DE DÉS.
     
    "Notre univers a suivi un chemin de bifurcations successives : il aurait pu en suivre d'autres. Peut-être pouvons-nous en dire autant pour la vie de chacun d'entre-nous" (PRIGOGINE, 1996-1998, p. 86).
    J'ai axé mes recherches sur les bifurcations en 1999 avec le projet d'en établir une taxonomie fondée sur un double regard ethnographique et "fractalique". Avec le début du développement de la CT en 2000, le projet initial est devenu un projet de recherche de thèse. J'ai alors introduit la transdisciplinarité dans ma réflexion et emprunté à l'ethnométhodologie outillage et approche du terrain. Cela étant, les bifurcations (et donc le hasard...) sont restées au (le) cœur de la recherche, témoins ces quelques chantiers en cours qui sont autant de chapitres de mes travaux :
    Ethnographie des bifurcations, crises, décrochages-raccrochages, déviances...
    Bifurcations et dynamique de la Complexité-Temps, des horizons et des frontières...
    Rôles des branches empruntées ("suis été" sartrien) et/ou des branches non-empruntées ("suis pas été" et exaptation) des bifurcations dans la construction d'un parcours de vie, lors des changements de "costumes" (E. GOFFMAN)...
     
    En paraphrasant STEWART, je dirai que Dieu joue assurément aux dés et qu'il le fait astucieusement et "économiquement". Le hasard est de tous les rendez-vous du monde dont il est à la fois substrat et produit. Tant qu'il y aura du hasard, du "dé-ordre", de l'aléatoire, de l'incertitude pourront naître et émerger du neuf, des histoires, de la complexité, du temps, du sens qui produiront à leur tour du hasard, de l'aléatoire... Les fleuves d'incertitudes retourneront à l'océan. Il y a incomplétude du monde, le hasard (un "bon" candidat au rôle d'"océan nourricier d'aléatoire" pourrait être le vide quantique) nous le dit, les fractales comme l'ensemble de MANDELBRÖT le suggèrent, voilà pourquoi, peut-être, Dieu peut jouer aux dés et pourquoi il y joue. Le hasard est l'ensemble de tous les possibles qui ne se sont pas encore réalisés, comme les fractales(16) il contient une infinité de réponses qui n'ont pas encore de questions.
     
    Références bibliographiques :







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    BARROW, John D., Pourquoi le monde est-il mathématique ? Odile Jacob, Collection Opus, Paris, 1996.
    BERGSON, Henri, L'évolution créatrice, Quadrige, PUF, Paris, 1996.
    GELL-MANN, Murray, Le quark et le jaguar, Champs Flammarion, Paris, 1997.
    GRIBBIN, John, Le chat de Schrödinger, Flammarion, Paris, 1994.
    HEUDIN, Jean-Claude, L'évolution au bord du chaos, Hermès, Paris, 1998.
    MANDELBROT, Benoît, Les objets fractals, Champs Flammarion, Paris, 1995.
    MANDELBROT, Benoît, Fractales, hasard et finances, Flammarion, Paris, 1997.
    MATRICON, Jean, ROUMETTE, Julien, L'invention du Temps, Presses Pocket, Paris 199.
    MORIN, Edgar, Pour sortir du 20ème siècle, Nathan, Paris, 1981.
    PRIGOGINE, Ilya, La fin des certitudes, Odile Jacob, Paris, 1996-1998.
    PRIGOGINE, Ilya, STENGERS, Isabelle, Entre le temps et l'éternité, Champs Flammarion, Paris, 1992.
    SPIRE, Arnaud, La pensée-Prigogine, Entretiens avec Gilles Cohen-Tannoudji, Daniel Bensaïd, Edgar Morin., Desclee de Brouwer, Paris, 1999.
    STEWART, Ian, Dieu joue-t-il aux dés ?, Champs Flammarion, Paris, 1998.
     
    Notes :
     
    (1) Des signes annonciateurs de la réhabilitation du hasard s'étaient déjà manifestés au XIXème siècle. Ex.: les travaux de Charles DARWIN (De l'origine des espèces par voie de sélection naturelle, 1859).
    (2) "L'ensemble de ces idées - l'incertitude, la complémentarité, la probabilité et la perturbation par un observateur du système observé - est désormais connu sous l'appellation "d'Interprétation de Copenhague" de la Mécanique Quantique" (GRIBBIN, 1994, p. 149).
    (3) Je suis concepteur et réalisateur de documentaires éducatifs.
    (4) Voir : Le rôle de l'ouverture du rift africain dans la théorie de l'"East Side Story" d'Yves COPPENS.
    (5) Les "modèles-récits" fractals : de nouveaux outils pour l'ethnographie de l'école ? Pistes, horizons et limites, Mémoire de D.E.A., soutenu à l'Université de Haute-Bretagne, Rennes 2, Département des Sciences de l'Éducation, 2001.
    (6) "L'ordre et le désordre se présentent (...) non pas comme opposés mais comme indissociables" (PRIGOGINE, Stengers, 1992, p. 50). Cette citation est à rapprocher de : "(...) il se dresse des îlots de certitudes dans l'océan d'incertitudes, mais ces certitudes sont soit isolées, soit combinées à l'incertitude. Il n'y a pas de continent de certitude" (MORIN, 1981, p. 287).
    (7) (GELL-MANN, 1997).
    (8) Dans mes travaux de D.E.A., j'ai énuméré quelques principes de ce déterminisme et de cette causalité complexes : "Les systèmes simples peuvent avoir un comportement complexe et les systèmes complexes peuvent avoir un comportement simple. Un comportement complexe peut avoir des causes simples et un comportement simple peut avoir des causes complexes. Des systèmes différents peuvent avoir des comportements similaires et des systèmes similaires peuvent avoir des comportements différents".
    (9) Voir : "Ethnographie, micro-détails et modèles-récits fractals (MRF)", Esprit Critique n° 411, octobre 2002.
    (10) Complexité brute: "longueur du plus court message possible décrivant un système, à un niveau donné d'agrandissement, à quelqu'un d'éloigné, au moyen d'un langage, d'une connaissance et d'une compréhension que les deux parties partagent (et qu'elles savent partager) au préalable" (GELL-MANN, 1997, p. 52).
    (11) "Nous définissons la complexité effective d'une entité, en relation avec un CAS (système adaptatif complexe) qui l'observe et en construit un schéma, comme la longueur d'une description concise des régularités de l'entité identifiées dans ce schéma" (GELL-MANN, 1997, p.74).
    (12) Ce qui est fortement heuristique si l'on forme les hypothèses que le désordre est un ordre "autre" et la déviance une norme "autre" pour revisiter des problématiques telles que celles de l'interculturalité (ou de la transculturalité), de la transgression et plus largement les problématiques de conflits, de dialogues et d'émergences aux frontières.
    (13) "(...) les périodicités sont des artefacts, (ce) ne sont pas des caractéristiques du processus, mais plutôt le fruit conjoint du processus, de la longueur de l'échantillon et du jugement de l'économiste ou de l'hydrologue", (MANDELBRÖT, 1997, p. 182). "En règle générale, les cycles économiques s'éloignent de toute périodicité et dépendent tant de la longueur de l'échantillon disponible et des goûts de l'observateur qu'il faut jusqu'à nouvel ordre les considérer comme des artefacts. Suivant les mots de Keynes (1940), leur valeur tient surtout à ce qu'ils subdivisent les manuels sur l'histoire économique de façon très commode" (MANDELBRÖT, 1997, p. 167-168).
    (14) "Si vous essayez de mettre bout à bout les prédictions à court terme afin d'obtenir une prédiction à long terme, de minuscules erreurs commencent à s'accumuler, s'amplifiant de plus en plus rapidement, jusqu'à ce que les prédictions deviennent un non-sens total" (STEWART, 1998, p. 204).
    (15) Voir : Principe d'Incertitude D'HEISENBERG.
    (16) "C'était des objets qu'on pouvait qualifier de réponses sans questions" (MANDELBRÖT, 1995, p. 11).

     

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  • Gabriele Veneziano a commencé par établir ce qu'il nomme espace des théories formé de 3 axes, l'un porte G (constante de gravitation), le deuxième 1/c (inverse de la vitesse de la lumière), le dernier h (constante de Planck) en invitant chacun à l'expérience de pensée consistant à changer les valeurs de ces constantes. Ainsi :




    * Pour G=0, 1/c = 0 et h = 0 on se trouve en mécanique galiléenne, celle par exemple des boules de billard sur une table de billard;
    * Pour G>0, 1/c = 0 et h = 0, on se trouve en mécanique newtonienne;
    * Pour G=0, 1/c > 0 et h = 0, on se trouve en relativité restreinte;
    * Pour G>0, 1/c = 0 et h > 0, on se trouve en mécanique quantique;
    * Pour G=0, 1/c > 0 et h > 0, on se trouve en chromodynamique quantique




    Le but est bien tentendu de parvenir à une théorie où l'on pourra prendre en compte les trois valeurs G, 1/c et h comme non nulles et regarder ce qui en résulte pour chaque univers correspondant, en particulier le nôtre pour les valeurs que nous mesurons de ces trois paramètres.



    Un texte de Jérémie Philippe







    Le Big Bang est connu de tous comme l'instant de la création de notre univers. Cette explosion gigantesque serait à l'origine de la création de l'espace, de la matière et du temps. Pour confirmer cela, les physiciens s'appuient sur trois observations majeures qui sont le fond diffus de lumière, la proportion hydrogène/hélium et l'expansion de l'univers. Le cadre explicatif du Big Bang est la théorie de la relativité générale d'Einstein. Ce modèle physique du Big Bang prévalant jusqu'à nos jours explique qu'il est interdit de se poser la question de " l'avant " Big Bang puisque le temps a été créé au moment de l'explosion.
    Les équations mathématiques issues de la théorie de la relativité générale d'Einstein qui décrivent notre univers le montrent initialement enfermé dans un volume minuscule, quasiment un point que les physiciens nomment " singularité ". Or, nous savons aujourd'hui que le monde microscopique est décrit par des lois étranges, dont les conséquences échappent à nos conceptions habituelles, qui sont les lois de la physique quantique. Il paraît donc indispensable de prendre en compte ces lois afin de décrire le comportement de l'univers au niveau des tous premiers instants qui ont suivi le Big Bang. L'univers étant concentré dans un minuscule espace, des effets quantiques tout à fait déterminants doivent s'y produire : il semble impératif que les physiciens les prennent en compte pour décrire l'explosion primordiale et son évolution. Or, dans la construction de sa relativité générale, Einstein n'a pas inclus les lois de la mécanique quantique. La relativité générale est plutôt faite pour décrire l'évolution des planètes et des galaxies, c'est-à-dire qu'elle fournit des lois adaptées à l'astrophysique et la cosmologie. Dans le cas limite du Big Bang, la théorie relativiste vacille et devient inadéquate.
    Longtemps, les physiciens ont eu des difficultés à construire une théorie quantique de la gravitation, c'est-à-dire une théorie qui puisse intégrer les lois de la physique quantique dans celles de la relativité générale. En 1968, le physicien Gabriele Veneziano a ébauché une théorie, dite théorie " des cordes ", afin de décrire les interactions entre les constituants du noyau atomique. Plus tard, dans les années 80, cette théorie des cordes a été reprise pour être adaptée à l'unification de la théorie de la relativité générale et de la théorie quantique. L'idée centrale de cette nouvelle théorie consiste à décrire n'importe quelle particule à partir des modes de vibration d'une corde minuscule : la manière de vibrer de la corde, sa fréquence et son amplitude fixent ses caractéristiques physiques, c'est-à-dire sa masse, son moment cinétique intrinsèque (spin), etc. c'est-à-dire qu'elles déterminent la nature de la particule. Un de ces modes particuliers de vibration a révélé l'existence d'une particule responsable de la gravitation : cette particule incroyablement ténue (on ne l'a jamais détectée) s'appelle le graviton. On dit que cette particule véhicule l'interaction gravitationnelle. Par exemple, deux électrons vont se repousser parce qu'ils vont s'envoyer des photons : c'est l'interaction électromagnétique, le photon est donc le véhicule de cette interaction. De la même manière, deux particules massives vont s'attirer parce qu'elles vont s'échanger des gravitons.
    Les cordes engendrent de manière générale des champs dont les valeurs évoluent au cours du temps. L'un de ces champs, appelé " dilaton ", est fondamental car il détermine l'intensité de toutes les interactions : gravitationnelles, électromagnétiques, etc. Les cordes permettent donc de décrire la manière dont la matière interagit et ce, en intégrant naturellement la physique quantique et la relativité générale.
    A partir de ce modèle de cordes, des physiciens ont élaboré deux modèles d'univers et de Big Bang (le modèle pré-Big Bang et le modèle ekpyrotique) qui montrent, avec surprise, que le temps n'a pas été créé au niveau du Big Bang mais que le temps et l'univers existaient avant cette explosion. Les descriptions physiques des phénomènes ayant eu lieu dans l'univers diffèrent selon le modèle considéré. Il nous paraît également intéressant de discuter des conséquences métaphysiques nouvelles et de les comparer aux révélations du monde spirituel.




    Examinons le modèle pré-Big Bang développé par Gabriele Veneziano, physicien théoricien au CERN à Genève dès 1991. L'application de la théorie des cordes à la cosmologie montre que le Big Bang n'est pas le début de l'univers mais la transition entre deux états. Ce modèle montre qu'avant le Big Bang, l'expansion accélérait mais qu'après, celle-ci décélérait (au moins au début). Il est également démontré que l'univers a toujours existé et que la matière était très éparpillée bien longtemps avant le Big Bang, elle correspondait alors à un univers très peu dense. Du fait de la loi d'attraction universelle, la matière s'est condensée et avec le temps, des agrégats de matière très denses se sont isolés, atteignant des dimensions très petites, laissant penser qu'il s'agissait de trous noirs.
    On peut y voir une correspondance avec la révélation spirite puisque quand Kardec demande à la question 39, " Pouvons-nous connaître le mode de la formation des mondes ? ", il est répondu " Tout ce que l'on peut dire, et ce que vous pouvez comprendre, c'est que les mondes se forment par la condensation de la matière disséminée dans l'espace. " Cependant, on doit prendre cette remarque avec précaution car il est probable que par le mot " monde ", Kardec entendait " planète " et non pas notre univers tout entier. Il est clair que depuis Laplace, antérieur à Kardec, il existait des modèles de formation des planètes à partir de condensation de matière. Si les Esprits entendaient " les mondes " (en réponse à la question de Kardec) comme la création de l'ensemble de l'univers, leur réponse viendrait conforter le modèle pré-Big Bang. Sinon, cela confirme uniquement les modèles de formation des planètes ébauchés à l'époque et affinés aujourd'hui.
    Les agrégats de matière n'ont pas pu diminuer éternellement de taille : les effets quantiques associés au comportement des cordes ont fixé une limite à cette condensation. A un moment, la matière a rebondi, la densité de matière étant devenue trop forte. A partir de là, chaque trou noir a donné naissance à un univers. Le moment où la matière rebondit correspond évidemment au Big Bang. Finalement, la dimension minimale atteinte n'est pas nulle : elle correspondrait à une valeur autorisant à penser que l'univers existait avant et par conséquent le temps aussi.
    Les forces de la nature, déterminées par le dilaton, lui-même décrit dans le cadre de la théorie des cordes, ont agrégé la matière, jusqu'à ce que se produise un renversement qu'on appelle Big Bang. Ce renversement a conduit la matière de chaque trou noir à un univers, dont le nôtre.




    Examinons maintenant le second modèle d'univers, dit ekpyrotique (du mot grec signifiant conflagration) développé depuis 2001 par Neil Turok et Paul Steinhardt respectivement des universités de Cambridge et Princeton.
    Auparavant, nous devons dire quelques mots sur la notion de " D-brane " ou " membrane ". Malgré la complexité du formalisme mis en jeu pour décrire de telles entités, le fameux vulgarisateur Brian Greene donne dans son livre " l'univers élégant " des analogies simples et lumineuses. Nous invitons le lecteur à s'y reporter pour une meilleure description de ce que nous proposons. Notre espace comporterait d'après la théorie des cordes non pas trois dimensions mais dix dimensions spatiales. Cela signifie qu'une particule que nous considérons dans notre espace habituel s'étalerait en vérité dans un ensemble de dimensions supplémentaires, invisibles. Malgré tout, cette extension de la réalité imposerait une immobilité des particules dans les dimensions supplémentaires : excepté dans nos trois dimensions, qu'on nommera D-brane ou membrane, les particules seraient figées dans les autres. Gabriele Veneziano explique que " cette mobilité partielle des électrons et autres particules expliquerait pourquoi nous ne pouvons percevoir les dix dimensions de l'espace ". Une membrane ou une D-brane représente donc un ensemble de dimensions, un morceau de l'espace total : ici les trois dimensions habituelles. On pourrait évidemment en considérer d'autres.
    Le scénario ekpyrotique voit notre univers comme une D-brane ou membrane qui flotte à côté d'un espace de dimension supérieure. Ces deux membranes interagissent de la même manière que si elles étaient accrochées par un ressort. Il existe entre les deux membranes une force de " rappel " qui diminue en se rapprochant, et qui lorsque qu'elle atteint un minimum, correspond à un contact. Cette collision génère une explosion gigantesque correspondant à l'annihilation de la matière existante puis à une nouvelle création de matière et de rayonnement, c'est-à-dire au Big Bang.
    Ceci correspond aux informations données par l'Esprit André Luiz dans le livre " évolution dans les deux mondes " à travers le médium Francisco Xavier : tout ce qui découle de la matière élémentaire cessera d'exister, avec le temps, pour retourner à sa condition initiale.
    Ensuite, les deux membranes s'éloignent puis, arrivées à une distance maximale critique, se rapprochent de nouveau, et ce de manière cyclique.
    Cela n'est pas sans rappeler la réponse à la question 41 posée par Allan Kardec dans le livre des Esprits :
    41. Un monde complètement formé peut-il disparaître, et la matière qui le compose disséminée de nouveau dans l'espace ?
    " Oui, Dieu renouvelle les mondes comme il renouvelle les êtres vivants. "
    Au niveau de la physique, les deux modèles ont des ressemblances : l'univers est au début immense, froid et vide ; ils prédisent l'existence d'une transition appelée Big Bang dont la description mathématique leur est très difficile : cela correspond au comportement du dilaton. C'est dans les phases d'accélération et de contraction que leur prédictions différent essentiellement.
    D'un point de vue métaphysique, l'existence et l'interaction d'une brane de plusieurs dimensions parallèle avec notre D-brane, c'est-à-dire notre espace à trois dimensions dans le modèle ekpyrotique sont plutôt séduisantes. On peut en effet y voir le monde spirite tel que les Esprits supérieurs l'évoquent :
    85. Quel est celui des deux, le monde spirite ou le monde corporel, qui est le principal dans l'ordre des choses ?
    " Le monde spirite ; il est préexistant et survivant à tout. "
    Ce monde spirituel dont les dimensions s'imbriquent dans les nôtres serait le principal. Quand les conditions sont réunies, celui-ci pourrait engendrer le monde matériel en créant un espace à trois dimensions, ainsi que le temps au moment du Big Bang. La matière peut se disperser, les Hommes peuvent disparaître, le moment de la formation d'un autre monde arrive : Dieu crée sans cesse.
    Les Esprits qui se sont communiqués au Brésil à travers des médiums exceptionnels semblent également confirmer cette vision des choses : on retrouve souvent la matière spirituelle, notamment celle constituant le périsprit, décrite comme vibrant sur des modes vibratoires différents de ceux de notre mode habituel. Cela correspond vraisemblablement aux modes ayant cours dans les autres dimensions spatiales. Cette manière de s'exprimer, loin d'être ésotérique, se comprend parfaitement dans le cadre de la théorie des cordes.
    Les deux modèles ont déjà passé les tests de certaines observations expérimentales concernant l'analyse de la lumière du fond diffus. Bientôt, grâce au système VIRGO détecteur d'ondes gravitationnelles, les physiciens pourront tester le premier modèle dit pré-Big Bang. Plus tard, on prévoit d'analyser les champs magnétiques galactiques pour corroborer l'un des deux.
    Le modèle ekpyrotique, nous l'avons vu, paraît rentrer facilement en adéquation avec les principes généraux révélés par les Esprits.
    Si l'un de ces deux nouveaux modèles est juste, il faudra accepter que le temps a toujours existé et que la création est cyclique. Pour autant, nous ne renoncerions pas à l'existence d'un Dieu transcendant, hors du temps, défendue entre autre par Saint-Augustin. L'univers n'est pas sorti de rien, il a toujours existé (vision aristotélicienne) mais le temps apparaîtrait cycliquement avec la matière, lors de la condensation du fluide cosmique universel, Dieu donnant l'impulsion à sa création.
    Nous terminerons en citant un passage de Léon Denis tiré de " La Grande énigme : Dieu et l'univers " nous renvoyant à l'utilité de la création et à l'essentiel de toute cette discussion :
    " L'éternelle création, l'éternel renouvellement des êtres et des choses n'est que la projection constante de la pensée divine dans l'univers. Peu à peu, le voile se soulève, [..] l'homme comprend que tout est réglé en vue d'un but, qui est le perfectionnement continu de l'être et l'accroissement en lui de la somme du bien et du beau. "




    Bibliographie :
    Pour la science, juin 2004
    L'univers élégant, Brian Greene
    Le livre des Esprits, Allan Kardec
    La Genèse, Allan Kardec
    Evolution dans les deux mondes, Francisco Xavier, André Luiz Esprit.
    La grande énigme : Dieu et l'univers, Léon Denis.




     


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